La France accueillait en 2021 pour la 1ère fois, le Congrès mondial de la nature. Il a notamment fixé des priorités à la veille de la COP 15 (Conférence des parties de la convention sur la diversité biologique des Nations Unies) qui doit se tenir en 2022, et avant la traduction de priorités mondiales adoptées, dans une nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité, pour la France.
Dans le processus spécifique du Congrès, de nombreuses motions sont adoptées. Outre le cadre de l'action propre à l'UICN, elles n’ont pas de caractère contraignant, mais signalent pour les politiques publiques et privées, des enjeux qui s'installent ou émergent et peuvent ou doivent devenir sujets d'attentione et d'actions.
Une vingtaine de motions votées pendant le Congrès s'est ajoutée à plus d'une centaine déjà adoptée en amont du Congrès. Parmi elle, la motion 84 : "Agir pour réduire la pollution lumineuse".
La vision et le plaidoyer de l'ANPCEN
L'ANPCEN demeurant en veille et contributeur des politiques publiques et de textes de référence, a contribué auprès des autorités publiques à la réorganisation d'un projet initial confus.
Les constats ainsi que les recommandations principales convergent désormais avec la pédagogie de l’ANPCEN et à ses recommandations exprimées depuis plus de 20 ans. 
Le point 2 correspond à la mention que l'ANPCEN a fait insérer explicitement dans la Loi relative à la biodiversité en France, depuis 2016.
Les recommandations du point 4 reprennent nos recommandations historiques notamment d’agir d’abord par la sobriété lumineuse, par la réduction des durées d’éclairement, l'orientation et l'évitement des lumières à trop forte composante de bleu. Le texte reconnait les effets des LEDs sur la pollution pollumineuse et l’environnement, comme notre alerte le mentionnait en 2015.
Les recommandations 5 et 6 convergent avec nos recommandations de ne pas éclairer les éléments naturels, avec nos critères pour le label national "Villes et Villages étoilés" et confirment notre inscription dans la Loi biodiversité depuis 2016, de la prise en compte de la gestion de la lumière artificielle dans les corridors écologiques afin de créer des trames nocturnes, notamment au sein des trames vertes et bleues, conçues initialement surtout de manière diurne et très peu ou pas du tout avec une vision de leur gestion de nuit.
La démarche permettra on l'espère de faire progresser la prise de conscience et la mise en oeuvre d’actions réellement efficaces. Notamment celles qui s’éloignent des seules solutions technologiques ou de fausses promesses écologiques, dont sont régulièrement parées les technologies de LEDs, par exemple.
Plaidoyer de l'ANPCEN pour une approche globale
Après avoir publié une bibliographie scientifique sur le sujet "Eclairage du 21ème siècle et biodiversité", après avoir particulièrement porté le plaidoyer d’une insertion des enjeux de pollution lumineuse dans les politiques de biodiversité, après l'avoir fait inscrire explicitement dans plusieurs articles de la loi relative à la biodiversité en 2016, l'ANPCEN rappelle également fortement que la pollution lumineuse ne doit pas être abordée sous le seul angle de la biodiversité. Les politiques publiques envers la pollution lumineuse :
. doivent privilégier une approche globale des impacts et fixer au minimum un objectif quantitatif de réduction de la quantité de lumière émise la nuit ;
. doivent suivre et agir sur toutes les causes de pollution lumineuse, qu'elle soit terrestre ou céleste.
. doivent viser des progrès dans tous les territoires et ne pas se limiter à quelques espaces protégés (PN, PNR, AMP, Réserves etc)
. doivent progresser vers un bilan climatique global des installations lumineuses, toujours inexistant ;
. organiser et rendre transparent un suivi des performances énergétiques réelles et des gains économiques, dans la durée de vie réelle des équipements avec les promesses faites à l'achat par les fabricants et installateurs ;
. doivent fixer un cadre réglementaire pour les LEDS, à peu près inexistant malgré tous les travaux confirmant la toxicité de la lumière bleue, tant pour les humains que l'environnement et travaux constatant comme l'ANPCEN le fait leur part d'accroissement de la lumière artificielle nocturne émise ;
. doivent chiffrer le coût des effets sanitaires pour une prise en compte réelle dans les plans de santé-environnement ;
. doivent progresser vers des objectifs d’éco-conception globaux et ne plus permettre des éclairages principalement conçus selon des critères photométriques voire énergétiques, sans prise en compte des autres enjeux ;
. doivent fixer et suivre les taux d’utilisation et réutilisation de métaux ou terres rares et veiller à la souveraineté française ;
. doivent adopter un nouvel étiquetage plus global, selon l'analyse du cycle de vie complet et faire s'engager les fabricants et installateurs dans les initiatives françaises et européennes en la matière dont ils restent absents ;
. doivent réviser les avantages financiers alloués aux LEDs notamment dans l'éco-organisme concerné, par les CEE, par les différentes subventions, etc ;
. doivent éliminer tous les financements publics générant plus de pollution lumineuse, pour viser un minimum de cohérence ; les financements publics dont ceux du plan de relance doivent être assortis, de manière urgente, de critères et de conditions réelles de progrès en matière de pollution lumineuse ; ce que finance l'argent public doit être rendu public ;
. doivent abandonner rapidement l’illusion d’agir en ne finançant que des remplacements coûteux de matériel ou toujours plus de gestion électronique ; l’ANPCEN rappelle que l’on peut et doit agir principalement par une réflexion sur les finalités d'abord, la conception et les usages ensuite, avant toute dépense publique supplémentaire. En associant les habitants ;
. doivent mettre à jour une approche globale des coûts réels : achats, fonctionnement plus maintenance, ainsi que le coût des impacts de la pollution lumineuse sur la société et l'environnement ;
. mettre en oeuvre le principe de droit "pollueur-payeur" et mettre à contribution l'offre et les prescriptions des acteurs économiques qui contribuent au sur-éclairage et au sur-équipement, afin de constituer un fonds de financement des progrès, selon l'intérêt général ;
. rendre ouvertes et accessibles les données à jour relatives aux éclairages publics.
La motion : 
NOTANT que la lumière artificielle nocturne s'est considérablement répandue dans le monde entier, créant une pollution lumineuse qui continue de croître de 2 à 6% par an selon les estimations et réduisant l'obscurité partout, y compris dans des aires protégées ;
NOTANT que les effets de la lumière artificielle nocturne touchent de nombreux groupes biologiques, la flore, et la faune vertébrée ou invertébrée, et affectent le fonctionnement des écosystèmes et des services qu'ils fournissent gratuitement aux populations humaines, y compris la pollinisation ;
RAPPELANT qu'une part importante des animaux vivent partiellement ou exclusivement la nuit, et qu'une période journalière d'obscurité est essentielle pour tous les organismes vivants afin d'alterner des périodes de repos et d'activité ;
RECONNAISSANT que l'éclairage nocturne en extérieur porte atteinte à la chronobiologie des organismes vivants et à leur synchronisation avec leur environnement, tant chez les animaux que chez les plantes ; par exemple, pour les arbres, en retardant la chute des feuilles ;
RECONNAISSANT ÉGALEMENT que l'éclairage artificiel perturbe le sens de l'orientation de nombreuses espèces animales avec des effets négatifs graves (par exemple pour les tortues marines et les oiseaux migrateurs), détériore la qualité des habitats et réduit la connectivité au sein des paysages, avec des conséquences sur la viabilité des populations ;
RECONNAISSANT que l'éclairage artificiel affecte les relations trophiques entre les espèces, en augmentant le temps de recherche de nourriture disponible pour les espèces diurnes tout en le diminuant pour les espèces nocturnes, et en réduisant la période d'obscurité qui protège tant les prédateurs que les proies ;
CONSTATANT EN OUTRE que la lumière artificielle occulte les signaux anti-prédateurs, de leurre et de cour de divers organismes bioluminescents, notamment les lucioles et les vers luisants ;
RECONNAISSANT que les incidences des longueurs d'ondes lumineuses sur les différents groupes biologiques sont très diverses (par exemple, sens de l'orientation, croissance, phototaxie, horloge circadienne, modification de l'activité), et qu'un groupe biologique peut être affecté par plusieurs types d'impact ;
SACHANT que certaines longueurs d'onde ont plus d’effets sur certains groupes biologiques que d'autres ;
NOTANT que le parc d'éclairage extérieur est maintenant soit progressivement remplacé, soit nouvellement installé en utilisant des technologies de diodes électroluminescentes (DEL) qui peuvent entraîner une augmentation de l'intensité lumineuse des lampes et une proportion importante de bleu dans leur spectre lumineux, ce qui présente un risque pour les organismes vivants et accroît les halos lumineux, et qu'il en résulte souvent un accroissement de l'intensité lumineuse tout en réalisant des économies d'énergie ;
CONSCIENT que la prise de conscience de la pollution lumineuse reste faible au sein des États, auprès des autorités locales et des acteurs privés ;
RECONNAISSANT que certains éclairages ont pour but de protéger la vie humaine ainsi que les biens ;
NOTANT l'importance du développement urbain et du nombre de lieux éclairés la nuit inutilement et leur contribution au gaspillage d'énergie puis au changement climatique ; et
NOTANT qu'au sein de l'UICN, la Commission mondiale des aires protégées, par l'intermédiaire du Groupe consultatif sur le ciel nocturne du Groupe de spécialistes des stratégies de conservation en milieu urbain élabore un document consacré au ciel nocturne et à la conservation de la nature dans la série de Lignes directrices de l'UICN sur les meilleures pratiques pour les aires protégées ;
Le Congrès mondial de la nature de l’UICN, lors de sa session à Marseille, France :
1. INVITE le Directeur général à soutenir les efforts des Membres et des Commissions visant à réduire la pollution lumineuse.
2. RAPPELLE qu'il est du devoir de chacun d'assurer la protection de l'environnement nocturne.
3. DEMANDE à tous les Membres de l'UICN et aux organismes qui gèrent des zones terrestres et aquatiques d'élaborer, de diffuser et de mettre en œuvre des programmes d'engagement, d'éducation et de sensibilisation visant à expliquer les effets néfastes de la pollution lumineuse, les avantages de la préservation de l'obscurité naturelle et les méthodes de réduction de la pollution lumineuse ; ces programmes s'adresseront à toutes les parties prenantes intéressées, notamment, mais pas uniquement, aux visiteurs, utilisateurs, aux particuliers et aux entreprises.
4. ENCOURAGE les responsables de la planification et de la gestion de l'éclairage extérieur à réfléchir à l'utilité des éclairages en place et ensuite : i) à enlever les points d'éclairage superflus (ceux qui ne sont pas nécessaires pour assurer la sécurité des personnes ou des biens) et ii) à adapter l'éclairage restant le plus étroitement possible aux besoins, en incorporant plusieurs options :
a. définir le niveau d'éclairage utile, de manière à ne pas risquer un sur-éclairage, qui pourrait perturber la biodiversité ;
b. réduire la durée de l'éclairage nocturne, notamment en l'éteignant au milieu de nuit ;
c. éviter l'éclairage vers le haut en choisissant une installation qui limite totalement le champ lumineux et qui dirige la lumière vers le bas ;
d. éviter tout éclairage d'un environnement naturel (sauf pour des raisons de sécurité) ;
e. limiter le risque d'éblouissement pour les espèces nocturnes en évitant des éclairages extérieurs qui dépassent les normes acceptées internationalement ; et
f. choisir les longueurs d'onde qui posent le moins de problèmes aux espèces terrestres selon l'état des connaissances : à ce jour, privilégier les lumières ambrées avec peu de bleu.
5. RECOMMANDE de ne pas éclairer les environnements naturels afin de réduire ou d'éviter la pollution, sauf si la sécurité l'exige.
6. RECOMMANDE ÉGALEMENT que les autorités identifient, préservent et restaurent les infrastructures naturellement sombres (réseaux écologiques formés de zones centrales et de corridors, caractérisés par un degré naturel d'obscurité nocturne et par sa périodicité) afin de faciliter le fonctionnement de milieux nocturnes sains, riches en espèces.
7. RECOMMANDE ENFIN que les organismes qui financent la recherche soutiennent les études et la synthèse des données scientifiques relatives aux effets de l'éclairage artificiel nocturne sur les espèces, et que les organismes de recherche et les universités établissent des programmes de recherche correspondants.
8. RECOMMANDE que les organismes sensibilisent le public en collaborant avec les États, les autorités locales et les acteurs privés sur des programmes éducatifs qui traitent des effets de l'éclairage artificiel nocturne et des mesures de réduction de la pollution lumineuse.
De nombreuses actions déjà menées par l'ANPCEN pour faire prendre en compte la biodiversité et les paysages nocturnes dans l'action publique :
Consulter notre interview video de B. Abba, Secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité, ministère de la transition écologique
Consulter notre publication "Eclairage du 21ème siècle et Biodiversité", élaborée avec le Groupe Caisse des Dépôts
Consulter "Le livre blanc" des propositions de 14 associations, relatives à la biodiversité, analyse de précédents objectifs, de la précédente Stratégie nationale pour la biodiversité et recommandations pour la suivante.
Consulter l'actualité relative à la Stratégie nationale des Aires protégées : le label national Villes et Villages étoilés organisé par l'ANPCEN est devenu un indicateur
Consulter l'actualité relative à nos plaidoyer et inscription de la pollution lumineuse dans la Loi pour la biodiversité de 2016
Consulter notre étude originale réalisée pour le parc national de Port Cros
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