L'ANPCEN a suivi pendant plus de deux ans le périple de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Nous avons réussi à faire inscrire 5 progrès majeurs dans une loi initialement muette sur les enjeux que nous promouvons depuis longtemps et après la loi de 1976 qui elle aussi ne disait rien des relations entre lumière et impacts sur l'environnement : consulter notre analyse détaillée et notre dossier de presse complet.
En lui décernant un coup de chapeau spécial, nous avons souhaité recueillir le témoignage de Geneviève Gaillard, rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale qui a soutenu nos arguments et proposisions. Elle a accompagné et suivi l'ensemble des débats sur tous les articles.
" Cette réalité scientifique est désormais une réalité juridique "
"Anpcen : Les enjeux de la qualité de la nuit ne figuraient pas dans la loi de 1976, ni dans une loi relative à la biodiversité, comment voyez-vous cette innovation ?
G. Gaillard : Il est heureux qu’éclairés par nos débats la nuit et les paysages nocturnes soient désormais consacrés comme intérêts à préserver. J’ai défendu cette idée depuis la première lecture. On sait d’un point de vue écologique et scientifique qu’un même milieu selon qu’il soit considéré le jour ou la nuit, peut connaître des fréquentations et interactions très différentes, être habités et être le même territoire d’espèces qui ne se rencontrent jamais. Cette réalité scientifique est désormais une réalité juridique. Comme les paysages nocturnes sont reconnus, cela renforce l’intérêt de se prémunir des pollutions lumineuses qui désorganisent tant d’espèces, affectent leur système de localisation. Nous avons corrigé un non-sens et une aberration liés au poids de l’anthropocentrisme dominant qui veut que nous accordions de l’intérêt à la nature à l’aulne de son utilité. De fait les espaces naturels présentent plus de potentiel et d’intérêt pour les activités humaines de jour que de nuit d’où la négation de cette réalité qui s’est ancrée au fil du temps jusqu’à aujourd’hui.
Anpcen : Quel article vous semble le plus prometteur dans la loi ?
G. Gaillard : Difficile … mais je pense que l’article qui est le plus porteur de progrès est l’article 2, avec la consécration de principes forts comme celui édicté en règle qui veut que nous tendions vers zéro perte nette de biodiversité, à une époque où le constat est celui d’une érosion continuelle de la biodiversité depuis le XIXème siècle dont nous sommes directement responsables.
Je citerai aussi le principe de solidarité écologique ou celui de non régression* qui veut que la protection de l’environnement fasse l’objet d’une amélioration constante et d’aucun recul de la réglementation.
Anpcen : Quelle autre avancée vous semble très innovante ou très importante dans la loi ?
G Gaillard : La création de l’Agence Française pour la Biodiversité, qui devra être dotée de moyens financiers réalisant une plue-value et un gage d’efficacité, même si sa configuration est aujourd’hui un peu déséquilibrée avec un manque criant de représentation de la biodiversité terrestre, défaut qui je l’espère sera corrigé à l’avenir. La transposition du protocole de Nagoya et la lutte contre le pillage des ressources naturels et des appropriations à des fins commerciales, sans contre-partie, des savoirs faire ancestraux. La reconnaissance d’un régime de responsabilité civile spécifique pour le préjudice écologique, qui fait que le dommage causé directement à la nature sera désormais réparable dans le droit fil de la jurisprudence Erika ; l’interdiction des néonicotinoïdes, sont des pas décisifs, attendus par l’opinion publique et les associations, mais il fallait du courage politique pour les adopter sans les vider de leur force et de leur sens, comme quoi à cœur vaillant rien d’impossible.
Anpcen : Avez-vous constaté une meilleure compréhension des enjeux par les parlementaires ?
G. Gaillard : Je vais peut-être sembler dure, mais après trois lectures je déplore qu’un grand nombre de mes collègues n’appréhendent toujours pas avec précision, lucidité et responsabilité les enjeux portés par la conservation de la biodiversité. La thèse utilitariste à courte vue prime encore largement dans les approches du vivant et des interactions écosystémiques. On préfère encore parler de services écosystèmiques plutôt que de fonctions écologiques, le nombrilisme est toujours de mise sur nos bancs.
Les lobbies ont encore réussi à impacter les esprits et à projeter les vielles oppositions dépassées entre l’économique et l’écologique, tentant de prismer la réalité, et de sacrifier l’intérêt général sur l’autel des intérêts particuliers. Mais au final nous avons su globalement y résister et à obtenir un texte avec des avancées majeures, j’en suis heureuse."
* Le principe de non régression que l'ANPCEN soutient indique : "la protection de l’environnement (...) ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment"
★ Découvrez l'interview ANPCEN de Barbara Pompili, Secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité, auprès de la Ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer
★ Consultez le dossier de presse complet de l'ANPCEN
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"la biodiv en actions"
